Recherche demandée par un
groupe de
travail de l'Association Posture et Équilibre
Responsable de
ce groupe : Monsieur le professeur Gahéry, UMR 6562, Marseille
Réalisée et présentée par :
Docteur Bernard Bricot
367 avenue du Prado
13008
Marseille
France
Tel : 033
4 91 77 66 67
le 22 janvier 1998
1. Introduction
2. But
3. Méthodologie
4. Résultats et analyses
4.1. Influences éventuelles de la classe d'angle sur la distance
occiput fil à plomb
4.2. La
classe d'angle influence-t-elle la
position du plan
scapulaire par rapport au
plan fessier?
4.3. Rapport entre
l'amplitude d'ouverture
de
la bouche (variable
dépendante)
et la
classe
d'angle (variable nominale)
4.4. Le
stress modifie-t-il les mesures précédentes?
4.5. Le
stress modifie-t-il l'amplitude d'ouverture
de
la bouche?
4.6. La
perte
de
la D.V.O. modifie-t-elle la distance occiput /
fil
à plomb?
5. Interprétation
générale
1. INTRODUCTION
L'appareil manducateur représente les différents éléments de l'appareil stomatognatique étendus à
ceux intervenant dans la déglutition. On appelle manducation tous les actes précédant la digestion (préhension, mastication, déglutition).L'appareil manducateur est branché sur
les chaînes musculaires antérieures.Sur le
plan
neurophysiologique
il
décharge sur différentes formations intervenant dans la
gestion et
la régulation du
tonus orthostatique: Colliculus supérieur (Wauda) ;Noyaux gris centraux (Meï et Harthman) ; M?lle
cervicale (Buisseret).
Il est donc logique de se demander si cet
ensemble peut influer d'une
manière quelconque sur l'équilibre du corps dans l'espace et plus particulièrement sur
le tonus
postural.
2. BUT
Le but de cette analyse est
de
vérifier l'influence de
l'appareil manducateur sur l'équilibre
antéropostérieur du
corps et
sur
la position de la tête par rapport à celui- ci.Les mesures ont été réalisées par des praticiens formés à l'analyse des paramètres posturaux.Plus spécifiquement
ont
été analysés les paramètres suivants: Variables nominales:Latéralité,
sexe, la
position du plan scapulaire, les flèches rachidiennes, la
classe
d'angle, le stress éventuel, l'axe d'ouverture, le D.V.O. (dimension verticale
d'occlusion).Variables dépendantes: la distance occiput / fil à plomb, l'amplitude d'ouverture de la bouche, les distances angle
labial / centre de la
pupille à droite et à gauche, l'âge des sujets.
Toutes les variables dépendantes ont fait l'objet d'analyses statistiques afin de vérifier
les hypothèses de
recherche suivantes.
Les
énoncés des hypothèses nulles nécessaires à l'inférence
statistique
sont:
- la classe d'angle n'influence
pas la position de
la tête par rapport au
plan postérieur;
- la classe d'angle n'influence pas la position du plan scapulaire par rapport
au plan
fessier;
- le stress (clenching, bruxisme)
ne modifie pas les paramètres mesurés ni l'amplitude d'ouverture de la bouche;
- la D.V.O. n'a
aucune influence sur la
position de la tête;
- la classe d'angle n'influence
pas l'amplitude d'ouverture
de
la bouche.
Enfin les hypothèses alternatives, qui seront acceptées si les hypothèses nulles sont rejetées, sont les suivantes:
- la classe d'angle influence la
position de la tête par rapport
au plan postérieur;
- la classe d'angle influence la
position du plan scapulaire par rapport
au plan fessier;
- le stress (clenching, bruxisme)
modifie les paramètres mesurés et l'amplitude d'ouverture de la bouche;
- la D.V.O. a une
influence sur la position
de
la tête;
- la classe d'angle influence l'amplitude d'ouverture de la
bouche.
Ont collaboré à cette
analyse: Le
Dr. Donald Archer (Paris),
Le Dr. Bielen occlusodontologiste (Belgique),
Le Dr. Barbe occlusodontologiste
(Périgueux
(')
),
Mr. Marc Janin
(Poitiers).
3. METHODOLOGIE Sujets.
Un total de
74 sujets a été examiné:
- 49 femmes pour
25 hommes;
- 67 droitiers pour 7 gauchers;
- de 10 à 78 ans avec une
moyenne de
40 ans.
Variables.
Variables nominales.
Les influences cliniques qui
semblent les plus typiques sont celles intervenant sur l'équilibre antéropostérieur.
La classe d'angle
est
l'élément dominant de cette étude,
toutefois il nous a semblé
judicieux d'inclure
dans
cette étude d'autres facteurs d'influence:
- la notion de stress;
- la notion de dimension verticale
d'occlusion.
Variables dépendantes.
Les paramètres les plus facilement
influencés:
- la distance occiput / plan postérieur;
- l'amplitude
d'ouverture de
la
bouche.
Nous avons cru pertinent d'intégrer
d'autres paramètres qui pourraient être
également
influencés par les variables nominales:
- la position du plan scapulaire par rapport au
plan fessier;
- les flèches rachidiennes.
Ces éléments peuvent également
influencer la
mesure
de
la variable dépendante
occiput / plan postérieur.
Conditions expérimentales.
Le sujet est placé dans une pièce destinée à l'analyse clinique posturale (ambiance feutrée, éclairage tamisé).
Il reçoit comme consigne de piétiner
sur
place 5 fois d'affilée, puis de stopper en position
naturelle et de
regarder droit devant lui
une
tige verticale.
Sont alors analysées les variables nominales:
- la position du plan scapulaire par rapport au
plan fessier;
- les flèches rachidiennes;
- la classe d'angle;
- l'axe
d'ouverture de
la
bouche;
- la perte de la
D.V.O. éventuelle;
- les signes de bruxisme, de clenching ou leur absence;
- les bruits éventuels à
l'ouverture ou à la fermeture.
Sont alors mesurées les variables dépendantes:
- la distance occiput / fil à plomb;
- l'amplitude
d'ouverture de
la
bouche;
- la distance angle labial / centre de la pupille
à droite
et à gauche (en vue d'une
analyse
ultérieure).
L'analyse des données.
Toutes les variables dépendantes ont été analysées par des statistiques descriptives, les données ont ensuite été
comparées selon un modèle d'analyse de la variance
(ANOVA) permettant de comparer les mesures en fonction des variables nominales de façon à affirmer ou infirmer
les hypothèses de
départ
en comparant entre elles les mesures pour les différentes occurrences à l'aide
du
ratio F pour une
inférence à un niveau
significatif de 0,05 (i.e., 5%)
4. RESULTATS ET ANALYSES
4.1 INFLUENCES EVENTUELLES DE
LA CLASSE D'ANGLE SUR
LA DISTANCE OCCIPUT
/ FIL A PLOMB.
Résultats.
Le graphe en boite des interactions de l'effet
de
la classe d'angle dentaire sur la distance occiput-plan postérieur est
éloquent ; les différences sont
statistiquement significatives.Les différentes classes d'angles ont été comparées à
la
classe I qui se
rapproche le plus des critères de
normalité et tous l es écarts sont
significatifs avec une valeur
de p
comprise entre: 0,0002
et 0,03
Graphe des inter actions pour
écart occipital: Le
zéro a été fixé à 2,5 cm
Nous avons également comparé
les conséquences, sur la variable dépendante,
des différentes classes dentaires
entre elles. Les différences sont statistiquement
significatives notamment pour les classes III (prognathes et apparentés), dont la
tendance est à la postériorisation, par rapport aux
classe
II, avec une valeur
extrêmement significative
de
p < 0,0001.
Les classes II, quant à
elles, ont une
franche tendance au déséquilibre antérieur. Il est également évident, sur
ces
résultats, de constater
que
les occlusions croisées
se comportent comme
des classes II et non pas comme
des
classes III comme il eut
été
logique de le croire.
Comparatif
des
écarts occipitaux
pour
les différentes classes d'angle
Le zéro a été fixé à 2,5 cm
4.2 LA
CLASSE D'ANGLE INFLUENCE-T-ELLE LA
POSITION DU PLAN SCALAIRE PAR RAPPORT AU PLAN FESSIER '
La position du plan scapulaire
par
rapport au plan fessier est
une
variable nominale pouvant avoir trois valeurs: normale,
antérieure, postérieure.
Les chiffres sont
exprimés en pourcentage.
Là encore nous pouvons constater
une tendance significative à la postériorisation pour le classes III, alors que les classes II ont plutôt
une tendance très marquée à l'antériorisation du
plan
scapulaire. Les occlusions croisées gauches ont, là
encore,
tendance
à se comporter comme
des classes II ; les occlusions croisées droites sont en nombre insuffisant pour que l'on puisse en
tirer des conclusions (3
cas).
Il nous a semblé logique, bien
que
ce ne soit pas prévu dans le projet initial, d'analyser l'action
sur
les flèches rachidiennes, les résultats sont les suivants:
4.3 RAPPORT ENTRE
L'AMPLITUDE
DE LA
BOUCHE (VARIABLE
DÉPENDANTE) ET
LA CLASSE D'ANGLE
(VARIABLE NOMINALE)
Seule l'étude des classes III est
significative, l'analyse de la
variance présente des ratios de F de 0,0004 pour la
comparaison avec les classes II 2 ; 0,048 les classes II 1 ; 0,0027
pour
les classe I ; 0,04 pour les occlusions croisées gauches.
Toutes les autres occurences sont non significatives.
4.4 LE
STRESS MODIFIE-T-IL LES MESURES PRECEDENTES?
La notion de stress modifie-t-elle les mesures précédentes de façon significative, dans l'affirmative
y a-t-il une différence
entre les deux composantes stress à savoir le
bruxisme et le clenching.
Bruxisme ou brycomanie : action de grincer involontairement des dents.
Clenching : du verbe anglais "clench", serrer
: action
de
vivre les dents serrées, en position
normale, les dents ne doivent pas se toucher, il existe normalement, entre
les
deux arcades, un
espace
libre qui varie de 0,5 à 2 millimètres. Le
fait de vivre les dents serrées est très délétère.
Sur la
distance
occiput / fil à plomb:
Graphe des interactions pour écart
occip.
Les deux graphes précédents sont éloquents : le stress diminue
tous les écarts et
plus particulièrement le
clenching
qui arrive même à
déplacer le massif
céphalique
des
classes III vers l'avant. Le bruxisme diminue
l'antériorisation du massif céphalique des classes II mais il augmente la
postériorisation de celui
des classes III.
4.5 LE
STESS MODIFIE-T-IL L'AMPLITUDE D'OUVERTURE
DE LA
BOUCHE?
Pour ce paramètre il est
indispensable
de
dissocier
le clenching du bruxisme
car,
les deux se comportent de façon différente:
- les individus faisant du bruxisme se comportent comme
des sujets normaux;
- ceux
sujets au clenching
ont
une nette diminution
de
l'amplitude d'ouverture
de
la bouche.
4.6 LA
PERTE DE LA DVO
MODIFIE-T-ELLE LA
DISTANCE OCCIPUT
/ FIL A PLOMB?
La perte de la
dimension verticale d'occlusion augmente
de façon significative la
distance
occiput / fil à plomb : Tableau des moy. pour écart
occip.
![](file:///C:/Users/Luca/AppData/Local/Temp/msohtmlclip1/01/clip_image014.gif)
5. INTERPRETATION GENERALE
Il est
indispensable
de
tempérer la
réponse
à certaines des questions posées.
1) La classe d'angle
influence-t-elle
la
position de
la tête par rapport
au plan postérieur
' Les hypothèses nulles sont apparemment rejetées et
la réponse devrait
être oui :
- la postériorisation du
massif
céphalique est l'apanage des classes III ;
- les classes II et les occlusions croisées correspondent
à une position
antérieure du massif
céphalique par rapport
au plan postérieur.
La question que l'on
est
logiquement en droit de se
poser
est
la
suivante : s'agit-il d'un
déséquilibre concomitant correspondant à un morphotype particulier, ou est- ce vraiment l'appareil manducateur qui provoque ce déséquilibre ?
La question devrait-être reformulée de la
façon
suivante
:
il y a-t-il une
corrélation
entre la classe d?angle dentaire et la position de la
tête
par
rapport au plan
postérieur
? Formulée de cette
façon
la réponse est
:
formellement oui
!
2) La classe d'angle
influence-t-elle
la
position du
plan
scapulaire par rapport
au plan
fessier?
Les hypothèses nulles sont apparemment
rejetées et la réponse devrait
être oui ; avec les mêmes restriction que pour la question précédente.
3) Le stress (clenching, bruxisme) modifie-t-il les paramètres mesurés ?
a - Les distances occiput / fil
à plomb sont modifiés par le stress qui resserre
les écarts notamment le
clenching.
b - En ce qui concerne l'amplitude d'ouverture de la
bouche, le
problème est différent suivant que l'on considère
le
clenching ou le bruxisme.
Pour
le clenching
:
- les hypothèses nulles sont rejetées et la réponse
est oui
: le
clenching diminue
de façon significative l'amplitude d'ouverture de
la
bouche.
Pour le bruxisme
:
- Les bruxomanes au contraire, se
comportent comme des sujets normaux sur ce paramètre.
4) La D.V.O. a-t-elle
une influence sur la position de
la tête ? Les hypothèses nulles sont rejetées, la réponse est : oui
!
La perte de la
dimension verticale d'occlusion (D.V.O.) provoque une
position
antérieure de la tête.
5) La classe d'angle
influence-t-elle
l'amplitude d'ouverture de la bouche.
Il est difficile
de
répondre globalement à cette question
car
les hypothèses nulles ne seront rejetées que pour les classes III chez lesquelles l'amplitude
d'ouverture
de la bouche est
significativement augmentée.
Les autres classes d'angle n'ont pas d'influence
significative
sur
l'amplitude d'ouverture de la bouche, tout au
plus une
tendance
à la
limitation pour les classes II.
Conclusion.
A la lueur de ce travail et
de
l'interprétation des résultats, les conclusions suivantes semblent justifiées :
- il y a des interrelations certaines entre
posture et
occlusion ;
- le stress a
une influence certaine sur l'occlusion et
la posture.